25 Mars 2010
Beaucoup de gens qui prétendent suivre la voie du messager utilisent la règle mentionné par mohammed ibn 'abdel Wahhab dans la 3eme annulation de l'islam afin de rendre mécréant les musulmans qui ne le méritent pas, et vu que ceci est parmi les choses dangereuses, il est utile je pense de faire un petit rappel à ce sujet.
Cette sentence est devenue chez les adeptes maladifs du takfir un pilier incontournable du Din et ce à tel point qu’ils en sont à qualifier de kâfir toute personne qui ne reconnaît pas le kufr de celui ou celle qu’eux-mêmes considèrent comme impie ! Libre à chacun d’imaginer, à partir de là, jusqu’où peut conduire ce genre de raisonnement hâtif et simpliste….
Certes le takfir est un verdict légal dans la Shari’a, donc utile et nécessaire et n’en déplaise aux pseudo-salafis et autres espèces de laxistes endurcis qui cherchent à reléguer ce « hukm char’i », comme bien d’autre d’ailleurs non conformes à leurs passion, aux oubliettes. Mais de là à consacrer tout son temps, son énergie à polémiquer sur le statut de tel ou tel individu, pour ensuite se mettre à lancer sauvagement et sans retenue l’anathème sur ses opposants…cela ressemble plus à la manifestation de symptômes pathologiques qu’à la recherche de l’application d’un verdict légal appuyé par le Coran, la Sunna et l’Ijma’ !
Ceci dit, ce n’est qu’avec l’Aide d’Allah, que nous tenterons d’éclaircir un des principes du takfir dont font usage de manière immodérée, peu judicieuse, mais surtout non conforme à ce qui plaît au Législateur, une partie de nos frères et sœurs qui ont succombé à l’appel, si j’ose dire, du « fast-takfir », au point de n’en être jamais rassasié ! Qu’Allah par Sa Miséricorde nous en préserve ainsi que de tout égarement.
Nous disons donc, et que l’Agrément d’Allah soit avec nous : tout énoncé, toute condition qui n’est appuyé ni par le Livre d’Allah, ni par la Sunna de Son Messager est invalide ou nul ou si vous préférez à rejeter. A partir de ce credo il nous appartient au préalable d’explorer l’origine, la source, le dalil sur lequel repose le principe « celui qui ne reconnaît pas le kufr du kâfir est lui-même kâfir ». Cela nous aidera alors à le recadrer, à cerner justement ses implications et ses limites.
Ibn taymiya, du fait de son emploi fréquent de cette sentence est encore actuellement considéré par beaucoup de gens comme étant à l’origine de ce principe. Et beaucoup pense encore qu’elle fut reprise alors par Muhammad ibn ‘Abd el Wahhab et les Savants du Najd, qu’Allah leur fasse Miséricorde à tous. Cependant, d’autres Savants plus anciens qu’eux les ont devancés dans la mention de cette « qa’ida » (fondement, base). Citons à titre d’exemple :
-Sofian Ibn ‘Oyaina, Amir el Mouminin dans la science du hadith (mort en 198 h) a dit : « Le Coran est la Parole d’Allah, celui qui prétend qu’il est créé est un kâfir, et quand à celui qui doute seulement du kufr de ce dernier, il est lui-même kâfir »
Rapporté par le fils de l’imam Ahmed Ibn Hanbal, ‘Abd Allah dans l’ouvrage « Es Sunna » n°25 avec une chaîne de transmission authentique.
-Le même dire est attribué à Abou Moç’ab Ibn Sa’id et Moçayfi par le Hafidh Abou el Qasim el Lalka-i ( mort en 418 H ) dans son ouvrage très connu «Charh i’tiqad ahl es sunna wal jama’a » vol.II p256
-Citons également l’exemple de Abou Bakr Ibn ‘Eyach el Mouqri qui, interrogé aussi sur la question du Coran, Parole d’Allah incréée et au sujet de celui qui affirme le contraire. Sa réponse fut : « C’est un kâfir et celui qui ne reconnaît pas que ce dernier est un kâfir est lui-même kâfir ». Voir Es Sunna toujours de El Lalka-i vol.II p 256
-Ibn Hajjar el ‘Asqalani quant à lui, rapporte dans son « tahdhib » que El Bayhaqi a dit : « il m’est parvenu que El Halwani a dit : -Je ne considère pas kâfir celui qui sur la question du coran ne se prononce pas. J’ai (El Bayhaqi est le narrateur) alors interrogé Salama Ibn Chabib ben En Nissâbouri (savant du hadith de la Mecque mort en 247 H ) sur les dires de El Halwani. Il m’a répondu en ces termes : -qu’ils soit jeté aux latrines (traduction littérale de « yourma fil houch »), celui qui ne reconnaît pas le kufr du kâfir est lui-même kâfir » Et tahdhib-Ibn Hajjar el’Asqalani vol.II p 303. A noter que El Khâtib el Baghdadi rapporte la même chose dans « Târikh Bagdad » (l’histoire de Bagdad) vol. VII p365.
-Autre exemple, celui d’Abou Zar’a ‘Obeyd Allah Ibn ‘Abd el Karim er-Razi (mort en 264 H) qui a dit : « Celui qui prétend que le Coran est créé est kâfir et sort de la communauté. Quand à celui qui doute seulement du kufr de ce dernier, il est lui-même kâfir, et ce s’il a eu connaissance du sens exact de cette affirmation. »
En considérant les exemples mentionnés sur l’usage de cette « qa’ida » par certains Savants et qui remontent ici à l’époque des Salafs (trois siècle qui suivirent la mort du Prophète Muhammad ‘alaihi es salat wa es salam), on retiendra qu’elle n’est pas une « invention » récente et qu’on ne peut en attribuer l’origine au Cheikh Ibn Taymya ou au Cheikh Muhammad Ibn ‘abd el Wahhab ainsi que ses « suiveurs » - Qu’Allah leur fasse Miséricorde à tous-.
Nous pouvons mentionner comme dalil (preuves) sur lesquels repose ce principe les versets suivants :
« Et seuls les kâfiroun nient Nos Signes » (29 :47), « Qui est plus injuste que celui qui ment au sujet d’Allah et qui nie la Vérité lorsqu’elle lui parvient ? Mais l’Enfer n’est-il pas le lieu de séjour des mécréants ? » (39 :32)
Ainsi ces versets et tous les autres qui sont de la même teneur, constituent des arguments qui indiquent que quiconque nie une chose établie de manière certaine par la Législation est un kâfir.
Le Qâdhi ‘Ayadh mentionne quant à lui, dans son ouvrage ‘echchifa », la position de certains de ses contemporains qui ne se considéraient pas comme kâfir la majorité du commun peuple comme les femmes, les illettrés et les suiveurs parmi les Juifs et les Chrétiens, du fait de leur ignorance et de leur manque de jugement. En réponse à cela voici ce qu’il dit vol.II 280-281 : « El Ghazali a mentionné dans « et taffarrouqa » un dire proche de celui-ci (susmentionné), mais celui qui soutient cela est kâfir selon l’ijma’ qui stipule qu’est kâfir celui qui ne considère pas les Chrétiens et les Juifs ou quiconque n’est pas Musulman comme un mécréant, ou en vient simplement à en douter ».
Le Qâdhi ajoute ensuite : « car le Consensus reconnaît que les catégories de personnes sus mentionnées sont des kuffars ; celui donc qui le nie, ou en doute rejette alors le Texte ; or le reniement ou le doute vis-à-vis des Textes ne peuvent être l’œuvre que d’un kâfir ». S’appuyant sur ce qui vient d’être cité, nous retiendrons comme définition de ce principe ce qui suit : celui qui ne considère pas comme kâfir toute personne ayant eu connaissance des textes (Coran et Sunna) constituant des preuves indiscutables et exemptes d’ambiguïtés (et qui a nié après cela) est lui-même un kâfir.
Il faut remarquer cependant que l’application du verdict ne peut se faire qu’en l’absence « d’empêchements d’application du verdict¨ » tels que l’ignorance, la contrainte, l’erreur d’interprétation etc., et en présence des conditions nécessaires à l’application du verdict.
Quand à l’individu dont le kufr relève d’une erreur d’interprétation ou d’un ijtihad, ou de l’ignorance des preuves légales (dalil), ou ayant trait à une question particulière nécessitant des éclaircissements (houjja), il est nécessaire de s’abstenir d’accuser d’impiété celui qui ne considère pas ce dernier comme kâfir. Ce principe ne s’appliquant qu’en l’abscence de toute ambiguïté. C’est pour cette raison que l’imam Abou ‘Obaïd el Qâsim Ibn Salâm (mort en 224 H) disait au sujet des jahmya : « Je ne connais pas de personnes plus égarées dans leur kufr qu’eux. Cependant je ne considère que comme ignorant celui qui ne les reconnaît pas impies. »
Abordons maintenant la position du Cheikh Ibn Taymya face à l’usage de la « qa’ida » « man la youkaffirou kâfir… ». Voici ce que nous lisons dans « el fatawi » (vol II p.83) au sujet des adeptes du courant de pensées « el itihadya » dont fut à l’origine Ibn ‘Arabi :
« Celui qui prétend (comme Ibn ‘Arabi et ses suiveurs) que les adorateurs d’idoles sombreraient dans l’ignorance s’ils abandonnaient leurs idoles, est encore plus impie que les Juifs et les Chrétiens. Et par conséquent, celui qui ne considère pas comme impie l’auteur d’une telle affirmation est lui-même plus kâfir qu’un Juif ou un Chrétien car ces derniers reconnaissent au moins que les idolâtres sont des mécréants. »
Ibn Taymya n’est évidemment pas le seul à s’être prononcé sur les déviances d’Ibn ‘Arabi, mais lui ayant consacré dans « majmou’at el fatawi » nombreuses pages dans lesquelles il dévoile ses égarements et les réfute il passe pour être un de ses plus farouches adversaires. Ce qui est d’ailleurs tout à son honneur car lorsque l’on se penche un moment sur les affirmations de Ibn ‘Arabi, le Croyant ne peut être que choqué par les énormités de kufr évident dont s’est rendu coupable ce dernier.
A titre indicatif, citons quelques dires d’Ibn Taymya dans « el fatawi » (vol II p.86) : « Et c’est pour cela qu’ils (adeptes de Ibn ‘Arabi) affirment qu’Allah –‘azza wa jalla- est toute chose existante. Les idoles sont donc une partie d’Allah, celui donc qui abandonne l’adoration des idoles, abandonne alors une partie de la Vérité, et de l’adoration d’Allah… »
Concernant toujours le cas de Ibn ‘Arabi, Ibn el Mouqri dit dans son ouvrage « er rawdh » : « Celui qui hésite à appliquer sur les juifs, les chrétiens, Ibn ‘Arabi et ses adeptes le verdict du takfir, est lui-même un kâfir. »
Mais il faut remarquer que l’application du principe « man la youkaffirou kâfir… » par les savants concerne le cas de ceux qui doutent sur le kufr de Ibn ‘Arabi et ses adeptes qui sont eux auteurs de blasphèmes évidents que ne peut nier seul celui qui est leur semblable. Ibn Taymiya dit dans « majmou’ el fatawi » : « …et je n’ai mentionné ici qu’un dixième du kufr dont ils ( Ibn ‘Arabi, Ibn Sab’in, et Tlemceni…) se sont rendus coupable ». Et cependant le Cheikh n’omet pas de mentionner après avoir répertorié tous les dires de Ibn ‘Arabi ce qui suit concernant le verdict de ce dernier : « …tous ces dires sont ceux de ‘Ibn ‘Arabi dans ‘el fouçous’ et Allah sait sur quelles croyances s’est terminé la vie de ce dernier. » (majmou’ el fatawi II p 284). Il faut noter la retenue du Cheikh el Islam à l’égard du takfir, en l’absence de certitude et dans le cas de l’ignorance concernant la croyance au moment de la mort.
Il nous semble nécessaire de citer d’autre passages de « majmou’at el fatawi » cette œuvre monumentale du Cheikh, concernant le principe « man la youkaffirou kâfir… ». Dans le volume II p.86 Ibn Taymiya-qu’Allah lui fasse miséricorde- dit :
« De ce fait, ils (adeptes de Ibn ‘Arabi) approuvent la position des chrétiens et des juifs dans ce qu’ils affirment de la divinité de Jésus et de ‘Uzair pour les juifs, et ils les considèrent comme étant dans le vrai, de même que les idolâtres, alors que cela fait partie du plus grand kufr (c à d : le fait de considérer les chrétiens, les juifs et les idolâtres comme bien guidés). En ce qui concerne la personne qui serait encore dans le doute vis-à-vis des membres de cette secte égarée, et qui prétendrait ignorer leurs blasphèmes, il est nécessaire de les éclairer sur leur situation véritable. Si après cela (après avoir été mis au fait des positions des adeptes de el itihadya, et de wahdat el oujoud) ces personnes ne manifestent pas leur désaveu à l’égard de ces innovateurs, ils rejoignent alors leur camp (c à d : ils deviennent eux-mêmes kuffars). Quant à celui qui oserait prétendre que les affirmations de Ibn ‘Arabi et ses suiveurs sont sujettes à des interprétations (tâ-will) conformes à la chari’a, il ne peut s’agir que d’un meneur ou d’un imam de cette secte, car soit il se ment à lui-même en affirmant une telle chose, ou s’il y croit vraiment il est plus impie qu’un chrétien ».
Autre citation du Cheikh qui nous semble utile de rapporter pour fournir au lecteur d’autres éclaircissements quant à la manière dont Ibn Taymiya faisait usage de la qa’ida :
« Les dires de ces derniers (il s’agit toujours de Ibn ‘Arabi et ses disciples) sont pires que ceux des chrétiens, et ils renferment autant de contradictions que ceux des chrétiens. Ainsi concernant l’essence divine ils évoquent parfois l’incarnation (à la manière des chrétiens qui disent que Jésus est l’incarnation de Dieu sur Terre), et d’autres fois la communion (du divin et de l’humain comme chez certains autres chrétiens), ou encore de l’unitarisme (dans lequel le divin et tout ce qui est créé ne sont qu’un). C’est donc une doctrine sujette à la contradiction, ce qui explique qu’ils cherchent à la travestir à ceux qui ne comprennent pas. Tout ceci n’est que kufr selon le consensus approuvé par tous les Musulmans, et celui qui doute seulement de cela après avoir eut connaissance de cette doctrine et de celle de l’islam est un kâfir, de même qu’est kâfir celui qui doute du kufr des juifs, des chrétiens et des idolâtres. » (majmou’at el fatawi vol.II p.223)
A partir des citations susmentionnées du Cheikh el Islam Ibn Taymiya nous pouvons retenir ce qui suit :
-Le Cheikh fait mention de la qa’ida ‘man la youkkafirr kafir…’ lorsqu’il s’agit d’un kufr apparent reconnu par un ijma’ (consensus) de la Umma, comme celui des adeptes de Ibn ‘Arabi auquel font références les citations ci-dessus et qui à elle seules montrent la gravité du kufr dans lequel avaient sombré ces derniers.
-Le Cheikh, malgré les énormités déclarées par les membres de la secte wahdat el oujoud, et el itihadya, et malgré avoir affirmé lui-même que le kufr de ces derniers est pire que celui des juifs et des chrétiens, ne considère comme impie celui qui doute de la mécréance de ces égarés qu’après que celui-ci ait connaissance des tenants et aboutissants de la doctrine.
Et ceci rejoint la position des Cheikhs Abou Za’ra et Abou Hatim lorsqu’ils ont affirmé au sujet de celui qui doute du kufr des Jahmya (secte ayant soutenu que le Coran est la Parole créée d’Allah), qu’il était lui-même kâfir à condition qu’il ait connaissance de leur kufr. Sont donc à l’abri de ce verdict d’après ce qui vient d’être énoncé, les nouveaux convertis et ceux qui sont excusés du fait de leur ignorance.